Les Non-humains Lionel Dricot 2012-01-31 %% DEF DOCUMENT METADATA. Use your own. Remplace the second part only, don't modify the xx DOCUMENT ## xx %!postproc(tex): 'xx DOCUMENT TITLE xx' 'Les Non-humains' %!postproc(tex): 'xx DOCUMENT AUTHOR xx' 'Lionel Dricot' %!postproc(tex): 'xx DOCUMENT TAGS xx' 'linux, unix, logiciels libres' %!style(tex): les_non-humains.sty %!style(xhtml): les_non-humains.css %!includeconf: /usr/share/textallion/core/textallion.t2t %!postproc(tex): 'TEXTALLIONPATH' '/usr/share/textallion/' = Les Non-humains, tome 1 = //Une geekerie de Lionel Dricot// { ~~} À tous les geeks de DLFP, \\ À ceux qui comprendront, \\ À Bersace, cordialement \\ {/ ~~} Un frisson la parcourut lorsque les ténèbres de la ruelle semblèrent l'engloutir. Le pavé humide résonnait sous ses pas rapides. D'une démarche qu'elle voulait résolue, elle s'avança bravement. --- Quel quartier sinistre. Je n'aurais pas dû venir seule, se murmura-t-elle. Loin de la réconforter, le son de sa voix se répercutant sur les façades des immeubles abandonnés lui fit presser le pas. Soudain, elle le vit. Une ombre décharnée, tête nue et hirsute, se découpant dans la pleine lune crépusculaire. Figée par la terreur, elle tenta de pousser un hurlement qui mourut dans sa gorge pâle et délicate. Aucun doute, c'était bien vers elle qu'il s'avançait. Bientôt, elle serait à sa portée et alors... --- Mademoiselle... Elle se retourna pour fuir, paniquée, mais une main ferme se posa sur son épaule. --- Voulez-vous installer Linux mademoiselle ? Se débattant avec toute l'énergie du désespoir, elle échappa à l'étreinte. Une traction se fit sur son jupon de dentelle. --- Lâchez moi ! Allez-vous-en ! Sous ses efforts désordonnés, le vêtement se déchira dans un bruissement d'étoffes. Emportée par son élan, elle chuta lourdement sur le sol. Étourdie, elle leva les bras pour se protéger le visage tandis que la forme sombre se penchait vers elle, menaçante. {-@- } --- Monsieur le Ministre, la situation est intenable. Ils sont de plus en plus nombreux. Et que fait notre gouvernement ? --- Très cher ami, je conçois votre émoi mais votre réaction n'est-elle pas disproportionnée ? Puis-je également vous rappeler qu'il est de vigueur d'utiliser nos prénoms entre gentlemen du Catacomb's Club ? En réponse, le petit homme sec aux favoris grisonnants tapa des deux poings sur les accoudoirs du Chesterfield dans lequel il était assis. --- Disproportionnée ? Arthur ! Par les gousses d'ail de la Reine, tu sais aussi bien que moi que la situation est dramatique. Nous l'avons tout d'abord ignoré, nous en avons ensuite ri. Mais ils sont de plus en plus nombreux. Nous n'osons même plus sortir la nuit. Heureusement, la majorité de la population ne s'en rend même pas compte. Dieu merci, car ce serait la panique. --- Ils sont insidieux, il est vrai. --- Insidieux et perfides. Ils ne respectent rien, ils tuent, ils empalent. Des pirates, voilà ce qu'ils sont. Des flibustiers. Ah, si seulement nous avions encore un Nelson ! --- Je ne dis pas le contraire, comprenez-moi bien. Cependant, je pense que la mésaventure survenue à votre fille vous rend particulièrement sensible à ce sujet. --- Sensible ? Mais que voulez-vous de plus ? Les laisser prospérer et ruiner notre pays ? Les laisser nous sucer le sang ? À ces mots, un éclair d'ironie passa dans son regard. Il poursuivit : --- Tu le sais Arthur. Tu sais comme moi ce qu'ils font à leurs victimes. Celles-ci deviennent ensuite leurs semblables. Ils ne respectent même pas les brevets ou le droit d'auteur. Rien que d'en parler, j'en ai des frissons. D'un regard distrait, le Ministre fixa le fond de son verre de Sherry dans lequel se reflétait la chaleur des flammes de l'âtre. --- Le problème est plus complexe que cela George. Beaucoup plus complexe… {-@- } --- Mademoiselle ? Comment vous sentez-vous ? Péniblement, elle ouvrit un œil. Une lumière bleuâtre et tremblotante semblait éclairer la petite pièce dans laquelle elle se trouvait. Les murs étaient encombrés de caisses et de matériels divers. Il y avait même un poisson-coffre empaillé perché sur un promontoire de porcelaine. --- Qui… Qui êtes-vous ? articula-t-elle péniblement. --- Je m'appelle Lilo. Vous vous êtes évanouie dans la rue et je vous ai ramené chez moi. Votre jupon s'est accroché à une vieille caisse et s'est déchiré mais à part ça, je ne pense pas que vous soyez blessée. Un éclair d'inquiétude passa dans le regard de la jeune fille. --- Vous… Vous me séquestrez ? --- Par toutes les ferrites, bien sûr que non ! Quelle drôle d'idée. --- Qu'allez-vous me faire ? Lilo parut honnêtement surpris. --- Eh bien, je ne sais pas. Que voulez-vous ? Un thé ? Autre chose ? Je peux demander à mon ami Bersacelli de vous monter un petit cordial si vous le désirez. {-@- } Restée silencieuse durant toute la conversation, la jeune femme qui se tenait dans le coin de la pièce interrompit les deux hommes. --- Assez ! Vous parlez d'eux comme si c'étaient des monstres. --- Et ils le sont ! --- Non père, ce sont des êtres comme vous et moi. Vous ne les connaissez pas. --- Mademoiselle Vista, votre père a raison. Ce ne sont pas des êtres comme nous. Nous ne sommes pas de la même race. --- Ils ont des sentiments ! Ils aiment et chérissent leur liberté, c'est tout. Certes, ils ont un langage parfois étrange mais ils ne sont pas tels que vous les décrivez. --- Vista, mon enfant, je vous prie de cesser ces simagrées. Vous êtes en présence d'un Ministre de la Reine, je vous le rappelle. Vous avez été fort imprudente de vous aventurer seule dans un tel quartier à quelques heures à peine de l'aube. Vous nous avez rendu fous d'inquiétude pendant trois longues nuits. Je conçois que ces épreuves vous aient marquée psychologiquement, aussi ne vous tiendrai-je pas rigueur de ces propos absurdes. Vous devez être très fatiguée. Distinguée, la jeune femme se dirigea d'un pas raide vers la porte. En se retournant, elle lança d'un ton hautain : --- Je vous souhaite le bonsoir, Monsieur le Ministre. Elle tourna son regard empreint d'une tristesse dure vers le fauteuil au centre de la pièce. --- Ce n'est pas parce que vous ne les comprenez pas qu'ils ont tort. Ce n'est pas parce que vous êtes dans un système depuis vingt ans qu'une alternative est forcément mauvaise. Bien le bonsoir, père. La porte claqua sur ses talons. {-@- } L'éclat de rire de Lilo était si franc, si sincère que Vista sentit la gaieté peu à peu l'envahir. Il semblait si joyeux, si vivant. --- Comment dis-tu ? Nous découperions nos victimes ? Et en tranches de quelle épaisseur ? --- C'est pourtant ce que l'on raconte sur vous… --- En tout cas, mon activité principale est de charger des bottes aux embarcadères. Est-ce répréhensible ? Fed ? Tu entends ce qu'on dit sur nous ? Un petit gros coiffé d'un chapeau rouge s'approcha. --- Oui, j'ai entendu. Dis moi, c'est une véritable cabale montée contre nous ! La jeune fille s'agita. --- Il n'y a pas de cabale. Cela n'existe pas. Tout ce que j'ai dit à votre propos est même écrit noir sur blanc dans l'Encyclopedia Mortalis. Que pouvez-vous répondre face à cela ? Les deux hommes se regardèrent une seconde et répondirent en chœur : --- Référence nécessaire ! Ils s'esclaffèrent bruyamment. Vista les regarda, interloquée. {-@- } Les deux hommes se tenaient sur le pas de la porte. Une fine pluie battait le pavé tandis qu'un allumeur tendait sa perche étincelante vers le réverbère le plus proche. --- Veuillez excuser ma fille, Arthur. --- Un cas très intéressant du syndrôme de Vasa, mon cher George. Rien de plus. --- Le syndrôme de Vasa ? --- C'est ainsi que l'on nomme le comportement psychologique d'une victime qui prend parti et cause pour ses ravisseurs. C'est particulièrement courant dans ce genre de situations mais sans gravité. Je me suis laissé dire que le docteur McOazix avait développé une thérapie par les électrochocs particulièrement efficace. --- Vous me rassurez. Je ne sais déjà par quel miracle elle s'en est sortie indemne. --- Physiquement, tout du moins. --- Arthur, si jamais ma fille persiste à tenir des propos incohérents, à défendre des idées dangereusement subversives, à parler de la liberté de partage, de redistribution, je te jure que j'étranglerai cette vermine de mes propres mains. Un par un ! --- J'espère qu'on ne devra pas en arriver là, sourit le Ministre tout en lissant sa moustache. Il se dirigea vers le fiacre, se ravisa un instant et se retourna. --- Vous savez Arthur, cette histoire n'est pas simple. À moi aussi ils me font peur. Ils représentent ce que nous craignons. Ils semblent abhorrer notre morale, ils s'abouchent avec les coquins. Et pourtant, parfois je me demande si ce n'est pas juste nous qui ne les comprenons pas. Nous les croyons opposés au droit d'auteur, mais peut-être en ont-ils simplement une autre lecture. Nous les considérons comme impossibles et ils nous grignotent du terrain. Leur simple existence infirme la plupart de nos préceptes. S'ils étaient aussi néfastes que nous le disons, comment expliquer leur persévérance ? Comme dirait le passager du Beagle, peut-être sont-ils plus adaptés que nous ? Peut-être devrions-nous rejoindre leur camp avant d'être défaits ? Je ne sais pas Arthur, je ne sais pas… Il monta dans la voiture tandis que le cocher fouettait les chevaux. L'attelage s'enfonça dans la nuit de pavés et d'étoiles. {-@- } --- Hihi, arrête, Lilo ! Tu me chatouilles ! Et puis je ne comprends pas ce que tu dis. --- Pourtant cette langue est libre et ouverte. La grammaire est disponible. Il mit un lourd dictionnaire poussiéreux dans les mains de la jeune fille qui vacilla sous le poids et s'assit sur le lit. --- Tu n'espères quand même pas que je vais lire ça ? --- Non, mais l'important est que tu puisses le faire. Tu comprends ? C'est une de nos libertés fondamentales. Tu dois pouvoir étudier et comprendre la langue que tu utilises. Peut-être n'en as-tu pas envie maintenant. Ni jamais. Dans mille ans, nos écrits seront toujours lisibles car les archéologues en auront la grammaire. Communiquer doit être libre, tu comprends ? --- Tu sais que tu es mignon quand tu m'expliques tout cela. Mais je ne suis pas sûre de comprendre. Tout cela est si différent. Si technique. --- Vista, ce n'est pas seulement technique. Nous refusons de rentrer dans le moule ! --- Coin, Coin ! Un canard vola dans la pièce en poussant son cri. Une détonation mis fin au périple du palmipède. Lilo fit un clin d'œil à Vista. --- Ce n'est rien, juste Fed qui s'amuse. Ne t'inquiète pas pour lui. Vista riait. Elle regarda le poisson-coffre sur l'étagère à côté du lit. --- Mais, il n'était pas là avant-hier, ce poisson ! Il était sur le promontoire de porcelaine. --- En effet, nous n'avons pas encore trouvé de place satisfaisante. C'est qu'il n'est pas facile à installer ce poisson. Elle rit. --- Je ne sais pas pourquoi mais je vous trouve drôles. Vous êtes vraiment des gens étranges. --- Juste différents. À nos yeux, c'est plutôt vous qui êtes étranges avec vos manies de vous compliquer la vie, vos alertes incessantes au virus pour lesquelles vous devez vous cacher dans vos caves, votre refus de la lumière, vos habitudes alimentaires. --- Tu sais, on grandit avec. C'est normal pour nous. Je n'arrive pas à croire que vous ne souffriez pas du virus. Et puis, personnellement, je ne vais même plus à la cave. Je dis juste "Ok" quand on me demande quoi que ce soit sans même réfléchir. Leurs mains s'étaient rapprochées subrepticement, comme mues d'une volonté propre. --- Lilo... --- Vista... Leur front se touchèrent. Pendant une longue minute ils restèrent sans parler, sans même oser respirer. Leurs lèvres se frôlèrent… --- Non ! D'un même mouvement de recul, ils sursautèrent. Vista paraissait paniquée, elle porta ses mains à sa bouche à laquelle perlait une goutte de sang. Les mains de Lilo tremblaient. Le premier, il rompit le pesant silence. --- Est-ce que ton père ne va pas s'inquiéter de ton absence ? --- Mon dieu ! C'est vrai que cela fait déjà trois nuits que je suis ici. --- Je vais te reconduire jusqu'à ton quartier. --- Oui, le temps d'emballer mes affaires. Le crépuscule est déjà tombé. Ils sortirent et se mirent à marcher en silence. --- Voilà, dit-il. Dans cette rue, les fenêtres ne sont plus cassées. Tu n'es plus très loin de chez toi. C'est préférable que l'on ne nous voie pas ensemble. Vista… --- Lilo, fit-elle en fermant les yeux. Merci pour tout. Je… Je… Fais attention à toi ! Elle ouvrit les yeux. La rue était vide. Elle le chercha du regard puis, se ravisant, se mit à marcher. Elle ne se retourna pas. {-@- } Trois coups secs retentirent à la porte de la chambre. --- Vista ? Puis-je entrer ? La jeune femme était assise face à sa coiffeuse. --- Vista, j'espère que vous n'êtes pas en colère contre moi, fit le vieil homme en lui posant la main sur l'épaule. --- Non, père. Elle posa la brosse à cheveux qu'elle tenait à la main. --- Je n'ai pas toujours été un très bon père, je l'admets. La cour, la justice, les plaidoiries. Tout cela m'a pris plus de temps que je ne l'aurais voulu. Malgré tout, vous savez, je comprends vos sentiments. Je comprends votre expérience.  Mais n'oubliez pas qu'ils sont différents. Ce ne sont pas des êtres comme nous. Ils se nourrissent différemment, ils vivent de manière contraire à nos mœurs. Ils regardent le soleil en face. Ils sont d'une autre race, tout simplement. Faites de doux rêves, mon enfant, ne prenez pas trop cette histoire de libertés à cœur... Il se retira en fermant doucement la porte derrière lui. Vista passa son doigt sur les longues incisives pointues qui dépassaient de ses lèvres. Comme à l'accoutumée, son miroir lui renvoya l'image d'une robe de chambre flottant dans une pièce totalement vide. --- À cœur, soupira-t-elle. Une autre race. -------------------- { ~~} Rédigé avec Pyroom à Lillois, 25 avril 2009 dans le cadre du concours DLFP : « Écriture d'une nouvelle sur le libre » Relu et corrigé par Serge Julien {/ ~~} -------------------- { // } Ce texte est publié en avril 2009 sous la licence Creative Commons BY telle que décrite à l'adresse http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/be/ Vous êtes libres de reproduire et/ou distribuer cette création, y compris à des fins commerciales. Vous pouvez apporter des modifications, adapter ou transformer cette création. Vous devez citer le nom de l'auteur Si vous désirez obtenir ce texte sous une licence différente, veuillez contacter Lionel Dricot à l'adresse ploum@ploum.net {/// } -------------------- {/...} = Les Non-humains, tome 2 = //« Liberté et brosses à dent »// //une geekerie de Lionel Dricot// { ~~} À ceux qui lisent et partagent, {/ ~~} — Vista ! D'un soupir résigné, la jeune femme se retourna : — Oui père ? Il était surprenant de lire une telle volonté sur ce visage dont la pâleur se clairsemait des derniers stigmates d'une jeunesse fatiguée. — Vista, ma fille, j'apprends que vous fréquentez encore ces… ces « autres », ces moins que rien. — Cela vous étonne-t-il père ? Ne vous ai-je pas dit qu'il vous faudrait m'enfermer si vous vouliez que j'obéisse à vos ineptes préjugés. Le vieil homme étouffa une exclamation. — Vous me devez le respect, Mademoiselle ma fille. Vous êtes jeune, inexpérimentée. Peut-être devrais-je vous pardonner car vous n'êtes pas en mesure de saisir l'importance du mal que ces… ces hors-la-loi nous causent. Ils sont en train de briser les fondements même de notre société. Vista tourna ostensiblement le dos à son géniteur. — Voilà autre chose. Briser les fondements de notre société. Ignorant l'offense, Sir Georges se dirigea vers l'encadrement de la porte. — Qu'à cela ne tienne, je vous prends au mot. Je vais fermer la porte de votre chambre et en garder la clé. Je ne tiens pas à ce que ma progéniture se compromette avec cette engeance. Parcourant la pièce du regard, il ajouta en direction de la forme immobile qui se tenait devant la fenêtre: — C'est pour votre bien. C'est l'amour d'un père qui s'exprime. Je ne souhaite que votre bonheur. Il sortit. Les yeux dans le vague, Vista observait sans le regarder un vieil homme dépenaillé qui remontait le trottoir enneigé. Le pauvre ère posa son chapeau devant lui puis, sortant un ukulélé de sa manche, se mit à fredonner un air connu. Cet air lancinant et triste racontant les amours contrariées d'un pauvre homme et d'une riche demoiselle. Mais si, vous le connaissez ! Oui, celui-là ! Le troubadour n'était pas encore au refrain que deux matamores en uniformes l'agrippèrent par les bras et, sans une protestation de sa part, le jetèrent dans une fourgonnette. L'attelage disparut aussi vite qu'il était venu, ne laissant dans la neige que les restes piétinés de l'instrument. — Briser notre société. Est-ce une si mauvaise chose finalement ? Son murmure dessina une étrange sarabande de buée sur les vitres de la chambre. {-@- } — Lilo ! Tu es incroyable, ça fonctionne ! — Bien sûr que ça fonctionne. Ne t'ai-je pas dit que je ne comprenais pas pourquoi ColPorte n'y avait pas pensé ? — Tu avais raison, ça nettoie vraiment mieux. Joignant le geste à la parole, Fed pris une brosse à dent aux dessins bizarres et l'enfourna dans sa grande bouche. — Ch'est génial ! Cha nettoie les dents en quelques checondes à peine. — Cela va améliorer notre haleine. Certains d'entre nous en ont vraiment besoin. — Tu penses au bon vieux père Ubu ? Pourtant il essaye de se rafraichir à coup de pastilles mentholées. — Je n'ai jamais aimé la menthe. Du coup, j'ai demandé à Deb de lui porter un paquet de nos brosses à dent. Fed fit une moue de désaccord. — Je sais, enchaina Lilo, tu n'aimes pas Deb. Mais moi, je trouve qu'elle fait bien son boulot. Elle est rapide et efficace ! Fed se renfrogna. Avisant un poisson coffre empaillé qui trainait par terre, il s'en saisit: — Ce truc traîne partout tout le temps, tu ne pourrais pas le ranger une fois pour toute ? — Je t'ai déjà dit que je n'arrive pas à l'installer correctement. Mais quel est cette saute d'humeur ? Fed, je ne comprends pas. Nous pouvons être fier de nous, tu ne penses pas ? Colporte ne distribuait cette brosse à dent révolutionnaire qu'au Paname… — Comme si le monde n'existait pas en dehors du Paname, enchaina Fed. — … et non seulement nous la rendons disponible mondialement sur n'importe quel printeur connecté au réseau mais en plus nous y apportons des améliorations substantielles. Il y a de quoi être heureux, non ? — Écoute, Lilo. Je me demande parfois si nous n'allons pas trop loin. Que vont-ils faire ? — Et si nous allions en bas en discuter avec les autres ? — Bonne idée, Bersacelli nous servira un petit cordial. Ça va nous remonter. {-@- } — Mon cher Georges, les instances supérieures m'ont fait part d'une grande inquiétude envers les agissements des amis de votre fille. — Arthur ! Vous savez aussi bien que moi que je réprouve totalement ses fréquentations. Mais elle n'en reste pas moins issue de ma chair. — Georges, le problème prend de l'ampleur. Prescrire d'absurdes notions de bien et de mal nous a été très utile mais cela n'est plus suffisant. Il nous faut prendre des mesures fortes. — Je travaille à ce projet de loi… — Plus que des mots, il nous faut des actes ! — Mais nous actâmes, nous actâmes ! — Actes légaux qui s'avèrent inefficaces. Un petit homme rond et chauve s'approcha en ajustant son monocle. — Gentlemen, je pense avoir une solution à vos problèmes. Sir Arthur, drapé de son élégant costume, se leva pour accueillir le nouveau venu. — Docteur McOazix ! Quel plaisir de vous voir au Club. Prenez donc place et racontez-nous ce qui nous vaut le plaisir de votre venue ! — Messieurs, mes recherches m'ont permis de mettre au point un être qui ressemble en tout point à ce bétail rebelle que vous semblez tant craindre. La chose elle-même n'a pas conscience d'être différente. Elle se revendique des mêmes chimères: liberté, gratuité, amoralité. — Au fait, docteur, au fait ! Marquant une pause, le sinistre personnage parcouru son auditoire d'un regard où pointait un léger strabisme. Georges et Arthur retenait leur respiration. — Et bien, contrairement aux autres, cet être est sans le savoir sous notre complet contrôle. Ce qu'il dit, ce qu'il fait, l'endroit où il se trouve. Tout cela, nous le savons en permanence. Nous pouvons même lui ordonner d'effectuer n'importe quelle action. — Vous voulez dire que vous avez mis au point des robots capable d'infiltrer cette frange séditieuse, s'enquit Sir Georges ? — Je préfère parler d'androïdes, si vous n'y voyez pas d'inconvénients. — Mais c'est merveilleux, s'esclaffa Sir Arthur. Quand seront-ils prêts ? — N'en déplaise au gouvernement de Sa Majestée, mon cher Ministre, je m'attendais à votre enthousiasme. Aussi ai-je pris l'initiative de lancer l'opération. Mes androïdes sont déjà à pied d'œuvre, infiltré parmi les groupuscules les plus remuants. Les trois hommes échangèrent un regard de complice satisfaction. Sir Arthur esquissa un sourire. — Gentlemen, je propose un toast. {-@- } Fed déposa son chapeau d'un rouge particulièrement vif sur la table de la cuisine. D'un regard, il engloba la petite assemblée hétéroclite. — Mes amis, je pense qu'il est temps de discuter sérieusement l'avenir de notre petite association et de nos actions. Un nain hirsute posa sa barbe sur le rebord de la table : — Pas de compromis ! Jamais ! J'avais raison ! Tous semblèrent l'ignorer. — Discuter des statuts de notre association ? poursuivit un grand dadais aux cheveux bleus. — Les statuts nets tiennent en moins de cent-quarante caractères, pas besoin d'en discuter, répliqua Lilo. Fed enchaina : — Il y a trois ans, Lilo et moi avons construit notre premier printeur avec des plans trouvés sur le réseau. Tu t'en souviens Lilo ? — Bien sûr ! Cela me semble tellement loin maintenant. C'était juste après avoir rencontré Vista. À l'époque, imprimer en 3D était extrêmement compliqué. Pour ne pas dire révolutionnaire. — Mais ton idée de génie ça a été de construire un printeur qui pouvait lui-même être printé. Tu as diffusé les plans sur le réseau et, en quelques mois, chaque foyer était équipé. Le plasfluide est même distribué par canalisation dans les immeubles les plus modernes. Franchement, bravo Lilo ! — Oui, bravo ! RT ! ajouta l'homme aux cheveux bleus. — Tu sais, je ne suis qu'un maillon de la communauté. Une jeune femme aux cheveux rouges entra dans la pièce en défaisant sa lourde écharpe multicolore. — Salut la compagnie. J'ai été voir ce vieux ronchon de père Ubu, il vous remercie pour le paquet. Fed se redressa: — La ferme ! Tu ne vois pas qu'on est en réunion ? Assieds-toi et tais-toi ! — On se calme ! Un peu de respect espèce de fenêtre vérolée. — Retire-ça tout de suite, toi qui te fais pomper par le père Ubu ! — Oula, je comprends ! Monsieur est jaloux ! Monsieur Fed voudrait la communauté à ses pieds ! Lilo se leva et les sépara en écartant les bras d'un geste tranquille. — Doucement les amoureux. Doucement. Pas besoin de se chamailler. Je vous rappelle qu'on est du même bord. L'énergumène aux cheveux bleus ricana : — Fed fait le troll. Lol ! — Oh toi Twit, pas besoin d'en rajouter. Ne jette pas de l'huile sur le CPU tu veux ? Le nain ronchonna : — De toutes façons, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Pas de compromis, j'avais raison. — Mes amis, fit Lilo en haussant la voix, je vais poster sur le réseau les plans de notre brosse à dent améliorée. N'importe quel printeur relié au réseau sera en mesure de la reproduire. — N'empêche, interrompit Fed, cela ne va pas faire que des heureux chez Colporte. — Est-ce notre problème ? — Oui Lilo. C'est important. Cet acte va être perçu comme une véritable déclaration de guerre à l'industrie traditionnelle. Ils ne vont pas nous laisser faire en nous tapotant l'épaule. Nous allons servir de boucs émissaires pour tous les maux de cette société : chômage, paupérisation, pollution, yorkshires… — Que veux-tu donc qu'ils fassent ? — La même chose que maintenant mais en pire. Interdire tout. Jeter en prison. Taxer le plasfluide à des taux exorbitants. Écraser la créativité sous le talon de la tradition et de la bienséance. — J'avais raison, j'avais raison, fit le nain en postillonnant. Pas de compromis ! — Oui Richard, fis Fed. Tu pues, tu devrais te laver plus souvent mais tu avais raison. Lilo parcourut l'assemblée du regard. — Et si on pouvait tout simplement télécharger le plasfluide depuis le réseau ? Ne serions-nous pas indétectables ? — Oui mais c'est malheureusement impossible ! Lilo adressa à tous un regard malicieux. — Quand on est libre, rien d'impossible. Suivez-moi à la cave, vous allez voir. — #breaking, siffla Twit. {-@- } La rue était sombre et sinistre. La réverbération des lampadaires sur la neige défraichie achevait de lui donner un air blafard, funèbre. Une petite forme ronde et claudicante se dirigea vers l'entrée d'une majestueuse demeure avant d'actionner le marteau. Un domestique ensommeillé entrebâilla la porte. — Qu'est-ce qu'il veut ? — Dîtes à Sir Georges que le docteur McOazix veut le voir ! — À c'te heure ? Mon bon monsieur, les honnêtes gens sont couchés ou devant la dernière saison de leur série imposée. — Ai-je la tête d'un honnête homme ? Alors ouvrez ! Le domestique hésita, perturbé par la logique de l'étrange individu. Une voix retentit depuis le haut du vestibule : — Windau, qui est-ce ? — Un certain docteur, maître. Il insiste. — Laissez-le entrer. Vous pouvez disposer, nous n'avons plus besoin de vous. Un sourire passa sur les lèvres du domestiques qui s'en fut sans demander son reste. — Entrez docteur, désolé pour cet accueil glacial. Que voulez-vous, il n'y a plus de petit personnel. — Ce Windau m'a l'air passablement ralenti. Vous avez confiance en lui ? — Que voulez-vous, on n'a guère le choix de nos jours. Il est souvent malade et très maladroit. — Pourquoi le gardez-vous alors ? — Disons qu'il excelle à l'office. C'est une qualité indéniable. Mais entrez, entrez ! Ne restez pas planté là par ce froid. Allons dans le petit fumoir à l'étage, nous y serons plus tranquille. Les deux hommes se mirent à gravir les marches du monumental escalier en chêne. — Dîtes-moi docteur, vos androïdes sont-ils bien infiltrés parmi les rebelles ? — De plus en plus, Sir Georges. Ils ne se doutent de rien. Nous recevons toutes les informations concernant leurs réunions les plus secrètes. — Cela tombe bien car nous comptons lancer sous peu une brosse à dent révolutionnaire. Et nous souhaitons contrôler exactement la campagne publicitaire qui va accompagner ce lancement. Ils claquèrent la porte du fumoir. Dans sa chambre, l'oreille collée à la serrure, Vista retenait son souffle. — Il faut prévenir Lilo, murmura-t-elle. S'approchant de la fenêtre, elle contempla la rue, un étage et demi plus bas. Le joueur d'ukulélé était revenu, après un probable passage à tabac. Tristement, il ramassait les miettes de son instrument, ignorant superbement le froid, la nuit et les bourrasques de neige. Vista enjamba le rebord. — Un peu de courage ma fille. La porte est fermée, tu n'as guère le choix. Lentement, elle se retourna et fit pendre ses pieds dans le vide. Son ventre se griffa sur la pierre bleue du rebord. D'une main, elle agrippa le câble du para-tonnerre. — Allons, tu l'as fait des dizaines de fois quand tu étais gamine. Elle s'élança. Un craquement courut le long du mur. Pendant une fraction de seconde, elle se sentit flotter, voler, virevolter. Trottoir. L'impression d'être percuté par un troupeau de gnous en plein galop. Un goût de sang dans la bouche, dans les yeux, dans les poumons. Une forme qui se penche sur elle. — Laissez-moi père. Je dois prévenir Lilo ! Lilo ! Néant… {-@- } La gigantesque cave était remplie de cuves de formes aussi diverses que variées. Au centre, un établi couvert de câbles et de circuits électroniques émettait un ronronnement continu. — Qu'est-ce donc ce fouillis Lilo ? — Fed, tu as bien dit que notre point faible était l'approvisionnement en plasfluide ? Qu'on pouvait le taxer voire l'interdire complètement ? — C'est l'évidence même. — De quoi est composé le plasfluide ? — Il s'agit principalement d'une molécule organique avec pas mal d'autres… Mais tu ne souhaites quand même pas nous faire un exposé sur la sciences des molécules cycliques ? La petite troupe se figea, le souffle coupé. On aurait entendu une mouche voler mais elles avaient été interdites depuis longtemps, leur génome ayant été breveté lors de la Grande Ouverture des Brevets Au Vivant. Lilo les rassura immédiatement. — Bien sûr que non. J'aimerais juste avoir votre attention. Ceci n'est pas un exposé sur le cyclimse. Merci. Il poussèrent un soupir de soulagement en se lançant des regards complices. Un léger brouhaha naquit et s'interrompit aussitôt lorsque Lilo continua d'un ton enthousiaste : — La majorité de ce qui nous entoure est composé d'une grosse dizaine d'éléments différents. Et ces éléments, les plus courants du tableau de Tobolsk, sont présents un peu partout. Il suffit donc de les stocker et de les réorganiser à sa convenance. — Tu veux dire que… — Waw, fit Twit ! Deb les interrompit: — Parle un peu plus clairement. Quel rapport avec ton discours théorique et tout ce fatras ? — Et bien disons que les printeurs ne peuvent que produire des objets en plasfluide. — Ce qui est déjà pas mal, ajouta Deb, étant donné que les propriétés du plasfluide sont aisément modifiables en jouant avec les ultra-violet. — C'est bien mais pas top, continua Lilo. Ce qui serait vraiment révolutionnaire c'est un printeur moléculaire capable d'assembler tous les atomes dont on a besoin. Et ce printeur 2.0, il est sous vos yeux. Je l'ai baptisé le transmuteur. À cet instant, un remue-ménage se fit entendre à l'étage supérieur. On tambourinait à la porte. — Ouvrez ! Ouvrez ! Un vent de panique parcourut les affidés. — Son Altesse Nouillesque, murmura Deb. Nous sommes repérés. C'est l'Opsi, la police armée anti-piratage. Ils vont se saisir de nous et nous envoyer dans les camps de rééducation mentale de Dopi. Twit se mit à bégayer tout en se tripotant nerveusement les cheveux. — Mais je n'ai rien fait moi. Je suis innocent. Je ne veux pas aller à Dopi. Le nain barbu les regarda tous et lança d'une voix nasillarde : — Ne baissez jamais les bras. Ce sont des démons. Pas de compromis, jamais ! Bravons fièrement le danger. Alors que les autres restèrent tétanisés, il s'élança dans l'escalier afin d'aller ouvrir la porte sur laquelle les mystérieux visiteurs s'acharnaient en s'égosillant : — Ouvrez ! Au nom de son Invisible Roserie, ouvrez ! — Ça, ce n'est pas l'Opsi, susurra Fed d'un ton cynique. {-@- } — Georges, la disparition de votre fille est des plus inquiétante. N'y prenez point offense mais nous ne pouvons plus avoir confiance en vous. Sir Georges, hagard et livide, était encore en robe de chambre. Il tremblait et bredouillait. — Arthur ! Tu ne peux pas me faire ça ! Après tout ce que j'ai fait. Nous les avons élevés pendant des millénaires pour nous repaître de leur sang. Nous les exploitons. Mon influence au sénat a permis de promouvoir toutes les lois que tu souhaitais voir appliquer. Même les plus remuants ont été infiltrés par les androïdes du Docteur McOazix. Jamais ils n'ont autant été acculés, pourchassés, spoliés. Toutes les libertés glanées lors du sombre siècle des lumières sont réfrénées une par une. Que veux-tu qu'il nous arrive ? — Georges, je suis désolé. Votre manque de clairvoyance devient un fardeau pour nous tous. Le Ministre tourna le dos à celui qui fût son compagnon. Deux sbires sortirent de l'ombre et entrainèrent le malheureux père de Vista. — Arthur, je t'en prie ! Arthur ! Non ! Un hurlement retentit, inhumain, bestial. Puis le silence se fit, pesant, moite, mortel. Sir Arthur ne cilla pas. — Suis-je donc le seul à voir que notre race n'a jamais été aussi proche de l'extinction ? Que notre heure est peut-être venue ? {-@- } — Sachant qu'une personne marche à quatre kilomètre à l'heure, que la porte se trouve à une distance de douze mètre mais qu'il faut contourner une table de trois mètres de long, vous avez mis un temps infiniment long pour m'ouvrir. — K ! Excuse-nous, on croyait que c'était l'Opsi. Le joueur d'ukulélé se redressa et se mit à se débarrasser de son grimage de vieillard. — Voyez ce que je ramène, fit-il en posant un corps sur la table. — Vista ! Comme un fou, Lilo se précipita. — Vista, ma tendre aimée. Richard grogna : — Je n'aime pas son prénom, il est mal. Pas de compromis, mauvais Vista ! Lilo s'empressait, il frottait les joues pâles, il baisait les mains froides. — Vista, dis mois quelque chose je t'en prie. K, qu'est-il donc arrivé ? — Je n'y suis pour rien, ne va pas me faire un procès, se défendit K. Je l'ai surveillé comme tu me l'as demandé. La milice de l'Opsi m'a d'ailleurs fait goûter de sa racine carrée. Joignant le geste à la parole, il montra à tous son visage tuméfié. — Mais, à part la perte de mon violon… — C'était un ukulélé K ! K jeta un regard noir à Fed. — Un violon ! Je disais, à part cette perte, tout se passait bien. Jusqu'à ce soir où j'ai eu la surprise de voir un oiseau de nuit tomber sur le trottoir. Heureusement, la neige a amorti sa chute. Elle n'est qu'étourdie. Soudainement, Vista agrippa le col de Lilo. — Lilo, attention ! Prends garde ! J'ai entendu. Les brosses à dents, c'est un coup terrible pour eux. Ils ne vont pas se laisser faire. Ils vont envoyer des androïdes pour vous espionner. Lilo, je t'en prie, prends soin de toi ! Lilo éclata de rire. Un rire franc, sonore, communicatif. La tension accumulée durant les dernières heures se relâcha soudainement. Tous se mirent à rire à gorge déployée. Même Vista ne put retenir un large sourire interrogatif. — Ah, Vista, ma chère et tendre, hoqueta Lilo. Ils n'ont donc toujours pas compris que ce que nous faisons est public. Tout ce que nous disons est à la disposition de chacun sur le réseau. Hein Twit ? Le grand gaillard aux cheveux bleus acquiesça : — Oui. Deb surenchérit : — Quand aux androïdes, tu crois que nous étions assez stupides pour ne pas nous apercevoir de ce qu'ils étaient en réalité ? Nous avons très vite compris comment les libérer : une pastille de cyanogène et les voilà transformés en réplicants. — Quand à la brosse à dent, ce n'est absolument rien en regard de ce qui attend ceux de ta race avec ma dernière invention, le transmuteur. Vista les regardait sans trop comprendre. Elle ne s'y ferait donc jamais à ce langage bizarre, à ces références obscures, à cet enthousiasme bon enfant pour des causes dont elle peinait à voir l'intérêt. Richard interrompit crument ces instants de liesse : — Ton transmutteur, est-il libre ? Vraiment libre ? Pas de compromis ? — Oui, jubila Lilo ! Il est non seulement libre mais de plus entièrement conçu avec un printeur traditionnel. N'importe qui pourrait en construire un ! — Et tous ces récipients dans la cave, demanda Deb ? — C'est là que je stocke les matières premières. Je le nourris de déchet et de poubelle. Le transmuteur trie les atomes et les stocke afin d'avoir tout le nécessaire lors d'une impression. C'est la partie la moins au point, cela prend beaucoup de temps. Du coup, il faut faire des réserves. K l'interrompit. — C'est bien joli tout ça mais il vont sûrement se mettre à la recherche de Vista. Cet endroit est trop connu. Nous devons partir vers des cieux plus cléments. — La route me semble si longue, chuchota Vista. — Oui mais nous devons en profiter tant que la voie est libre, rétorqua K. Tous se levèrent et se préparèrent au départ. Fed posa sa main sur l'épaule de Lilo. — Lilo, tu ne crains pas qu'ils s'attaquent à l'électricité à cause de ton invention ? Il vont la taxer, la contrôler. — Pourquoi crois-tu que j'ai fait installer des panneaux solaire ? De l'autre bout de la pièce, alors qu'elle était en train d'enrouler sa longue écharpe en spirale, Deb leur lança : — Lilo, ton transmutteur, c'est le recyclage à cent pour cent. L'autonomie totale, tant dans le sens de la production que dans l'évacuation des déchets. — Je n'arrive même pas à imaginer toutes les implications d'une telle invention, souffla Fed sur le pas de la porte. — Je ne comprends pas tout mais j'en connais qui ne vont certainement pas aimer, renchérit Vista. — Moi non plus je n'ai aucune idée de ce que va provoquer cette invention, répondit Lilo. Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. Twit, peux-tu envoyer les plans sur le réseau ? — Une seconde… Twit sortit un petit terminal mobile de sa poche, pianota quelques secondes avant de le ranger. — C'est fait, dit-il en souriant. — Et voilà, fit Lilo avec un clin d'œil à l'assemblée. Il sortit le dernier et, après une hésitation, décida de laisser la porte ouverte. -------------------- { ~~} Rédigé avec Pyroom sur clavier bépo, Limelette, 29 janvier 2012 {/ ~~} -------------------- { // } Ce texte est publié en janvier 2012 sous la licence Creative Commons BY telle que décrite à l'adresse http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/be/ Vous êtes libres de reproduire et/ou distribuer cette création, y compris à des fins commerciales. Vous pouvez apporter des modifications, adapter ou transformer cette création. Vous devez citer le nom de l'auteur Si vous désirez obtenir ce texte sous une licence différente, veuillez contacter Lionel Dricot à l'adresse ploum@ploum.net {/// } --------------------