txt2TeX, un simple traitement de texte

Eric Forgeot









Manuel


Présentation


Le projet txt2TeX est né de l'admiration pour l'apparence et la qualité du placement des lettres dans le système LaTeX, ainsi que pour la simplicité de txt2tags.

Mais il est né également de la frustration de ne pouvoir utiliser simplement LaTeX pour écrire de la prose, sans avoir à subir sa syntaxe particulièrement intrusive et sa complexité.

Le but est donc de pouvoir utiliser txt2tags comme pré-processeur, et ainsi garder des marques de formatage non distrayantes, tout en pouvant exporter en LaTeX et html selon le type des documents finaux : publication papier ou page internet.

Enfin, ceci s'adresse surtout à ceux qui souhaitent écrire facilement et rapidement un texte de type poésie ou prose, sans entrer dans les méandres des commandes LaTeX.

Il présente par défaut : numérotation des pages, entête avec titre et ligne de séparation, support des notes de bas de page.


Obtenir txt2tex


Pour ceux qui visualisent ce document depuis internet, une archive se trouve ici.
Pour les autres, ils peuvent télécharger cette archive (txt2tex.zip) dans http://anamnese.online.fr/site2/txt2tex/


Pré-requis


LaTeX et python doivent être installés sur votre ordinateur.
Txt2TeX a été testé avec succès sur ces plateformes :

        



        
L'outil make peut être un plus (utilisation d'un makefile optionnel), ainsi que divers outils pour la manipulation de postscript (pstopdf, psutils (pdfnup, psbook), pdfjam etc)


Utilisation


Les fichiers txt2tex.t2t et txt2tex.sty sont le moteur et le style du système. Il n'y a normalement pas à y toucher. Pour commencer à créer un document, faites une copie de sample.sty sous un nouveau nom (votre style personnel du document), et recopiez l'entête de sample_fr.t2t, également sous un nouveau nom, si possible du même que pour le style, jusqu'à l'endroit indiqué %%%% Beginning of YOUR document %%%% dans la source.

        

Ensuite, à vous d'écrire et de vous laissez guider par les commentaires dans le fichier de style. Vous pourrez modifier simplement la taille de page, la taille du texte affiché (définissant ainsi implicitement les marges). La syntaxe à utiliser, très simple, se trouve décrite dans le paragraphe suivant.

        

Pour compiler le document html ou pdf, sur un système Unix, veuillez ouvrir un terminal dans le répertoire de votre document, modifiez dans le makefile la ligne avec DOCUMENT = sample_fr vers votre propre titre de document et taper au choix :



Le fichier sample.css est un exemple de mise en forme pour la version html de vos documents.


Syntaxe


La syntaxe générale est celle de txt2tags, à laquelle on a rajouté quelques symboles :

        



        
Même si ce n'est pas prévu pour, vous pouvez également rajouter du code spécifique à LaTeX, en remplaçant les \ par des @@ et les { et } par respectivement ( ( et ) ) (sans espaces entre les parenthèses). Si vous voulez que la commande disparaîsse totalement du document html, vous aurez besoin de finir la commande par deux étoiles ** pour indiquer la fin du code.

Vous pouvez également, de façon plus simple, encadrer votre code latex avec la syntaxe txt2tags pour le verbatim (trois `)

        

Vous pouvez centrer du texte (avec LaTex uniquement) en commençant une ligne par un | :


test centré

ou encore en entourant un paragraphe avec ((- - et - -)) :


Un bel haiku
Texte poétique bien centré
Voilà ce qu'on recherche ici

ou encore avec @@begin((center))** et @@end((center))**


Un bel haiku
Autre méthode bien compliquée
Pour les amoureux du TeX

        
Le code source du document vous donnera plus d'exemples sur comment rajouter directement des options latex dans votre texte. Par exemple une formule mathématique (qui n'apparaîtra pas dans la version html) :




En version verbatim :


  \begin{displaymath}
\frac{a}{b} + \sqrt[n]{abcd}
\end{displaymath}

Ou une boîte :

@@Ovalbox((Test de mise en boîte))

        
Ce dernier exemple apparaîtra bizarrement dans la version html car il n'y a pas les ** de fin de commande spéciale.


Exemple des notes :

On pourra ainsi include des notes (version avec le code de remplacement)

Mais attention, de cette manière, celles-ci n'apparaîtront pas lors de l'export html

Il vaut mieux utiliser cette forme pour avoir des notes sauvegardées (Cette note sera gardée dans la version html du document.)

        


Exemples de prose


Voici quelques exemples de documents utilisant txt2TeX...


Texte basique, avec divers espacements


Fjölnir sonur Yngvifreys réð þá fyrir Svíum og Uppsalaauð. Hann var ríkur og ársæll og friðsæll. Þá var Frið-Fróði að Hleiðru. Þeirra í millum var heimboð og vingan. Þá er Fjölnir fór til Fróða á Selund þá var þar fyrir búin mikil veisla og boðið til víða um lönd.

        

Fróði átti mikinn húsabæ. Þar var gert ker mikið margra alna hátt og okað með stórum timburstokkum. Það stóð í undirskemmu en loft var yfir uppi og opið gólfþilið svo að þar var niður hellt leginum en kerið blandið fullt mjaðar. Þar var drykkur furðu sterkur.
Um kveldið var Fjölni fylgt til herbergis í hið næsta loft og hans sveit með honum.

        

Um nóttina gekk hann út í svalar að leita sér staðar. Var hann svefnær og dauðadrukkinn. En er hann snerist aftur til herbergis þá gekk hann fram eftir svölunum og til annarra loftdura og þar inn, missti þá fótum og féll í mjaðarkerið og týndist þar.


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De la poésie en persan ou chinois ne sera pas encore affichée dans la version pdf (unicode devra utiliser xetex), mais cela fonctionne en html.

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Exemple de poésie


Chanson de Charles Trenet



1. Sur le toit de l'hôtel où je vis avec toi
Quand j'attends ta venue mon amie
Que la nuit fait chanter plus fort et mieux que moi
Tous les chats tous les chat tous les chats
Que dit-on sur les toits que répètent les voix
De ces chats de ces chats qui s'ennuient
Des chansons que je sais que je traduis pour toi
Les voici les voici les voilà...


Le soleil a rendez-vous avec la lune
Mais la lune n'est pas là et le soleil l'attend
Ici-bas souvent chacun pour sa chacune
Chacun doit en faire autant
La lune est là, la lune est là
La lune est là, mais le soleil ne la voit pas
Pour la trouver il faut la nuit
Il faut la nuit mais le soleil ne le sait pas et toujours luit
Le soleil a rendez-vous avec la lune
Mais la lune n'est pas là et le soleil l'attend
Papa dit qu'il a vu ça lui...


2. Des savants avertis par la pluie et le vent
Annonçaient un jour la fin du monde
Les journaux commentaient en termes émouvants
Les avis les aveux des savants
Bien des gens affolés demandaient aux agents
Si le monde était pris dans la ronde
C'est alors que docteurs savants et professeurs
Entonnèrent subito tous en chœur


3. Philosophes écoutez cette phrase est pour vous
Le bonheur est un astre volage
Qui s'enfuit à l'appel de bien des rendez-vous
Il s'efface il se meurt devant nous
Quand on croit qu'il est loin il est là tout près de vous
Il voyage il voyage il voyage
Puis il part il revient il s'en va n'importe où
Cherchez-le il est un peu partout...


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Si vous souhaitez copier et coller rapidement du texte d'internet ou d'une autre source, vous trouverez sans doute ennuyeux de devoir inclure à chaque fois les marques spéciales de retour à la ligne (*-*-) car txt2tags ne supporte pas les retours simple à la ligne, aussi vous pouvez activer cette option dans l'entête de votre document pour pallier à cela :

%!preproc(tex): "$" '\n\n'


Aux modernes


Leconte de Lisle


Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.

        

Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D’un sang si corrompu, d’un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.

        

Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d’or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu’aux roches

        

Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,
Noyés dans le néant des suprêmes ennuis,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.


✵✵


Prose


Le Chat


Théodore de Banville (1882)

        

Tout animal est supérieur à l'homme par ce qu'il y a en lui de divin, c'est-à-dire par l'instinct. Or, de tous les animaux, le Chat est celui chez lequel l'instinct est le plus persistant, le plus impossible à tuer. Sauvage ou domestique, il reste lui-même, obstinément, avec une sérénité absolue, et aussi rien ne peut lui faire perdre sa beauté et sa grâce suprême. Il n'y a pas de condition si humble et si vile qui arrive à le dégrader, parce qu'il n'y consent pas, et qu'il garde toujours la seule liberté qui puisse être accordée aux créatures, c'est-à-dire la volonté et la résolution arrêtée d'être libre. Il l'est en effet, parce qu'il ne se donne que dans la mesure où il le veut, accordant ou refusant à son gré son affection et ses caresses, et c'est pourquoi il reste beau, c'est-à-dire semblable à son type éternel. Prenez deux Chats, l'un vivant dans quelque logis de grande dame ou de poète, sur les moelleux tapis, sur les divans de soie et les coussins armoriés, l'autre étendu sur le carreau rougi, dans un logis de vieille fille pauvre, ou pelotonné dans une loge de portière, eh bien ! tous deux auront au même degré la noblesse, le respect de soi-même, l'élégance à laquelle le Chat ne peut renoncer sans mourir.

        
En lisant le morceau si épouvantablement injuste que Buffon a consacré au Chat, on reconstruirait, si la mémoire en était perdue, tout ce règne de Louis XIV où l'homme se crut devenu soleil et centre du monde, et ne put se figurer que des milliers d'astres et d'étoiles avaient été jetés dans l'éther pour autre chose que pour son usage personnel. Ainsi le savant à manchettes, reprochant au gracieux animal de voler ce qu'il lui faut pour sa nourriture, semble supposer chez les Chats une notion exacte de la propriété et une connaissance approfondie des codes, qui par bonheur n'ont pas été accordées aux animaux. "Ils n'ont, ajoute-t-il que l'apparence de l'attachement ; on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques ; ils ne regardent jamais en face la personne aimée ; soit défiance ou fausseté, ils prennent des détours pour en approcher, pour chercher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu'elles leur font." O injuste grand savant que vous êtes ! est-ce que nous cherchons, nous, les caresses pour le plaisir qu'elles ne nous font pas ? Vous dites que les yeux des Chats sont équivoques ! Relativement à quoi ? Si tout d'abord nous n'en pénétrons pas la subtile et profonde pensée, cela ne tient-il pas à notre manque d'intelligence et d'intuition ? Quant aux détours, eh ! mais le spirituel Alphonse Karr a adopté cette devise charmante : "Je ne crains que ceux que j'aime," et, comme on le voit, le Chat, plein de prudence, l'avait adoptée avant lui.

        
Sans doute, il se laisse toucher, caresser, tirer les poils, porter la tête en bas par les enfants, instinctifs comme lui ; mais il se défie toujours de l'homme, et c'est en quoi il prouve son profond bon sens. N'a-t-il pas sous les yeux l'exemple de ce Chien que le même Buffon met si haut, et ne voit-il pas par là ce que l'homme fait des animaux qui consentent à être ses serviteurs et se donnent à lui sans restriction, une fois pour toutes ? L'homme fait du Chien un esclave attaché, mis à la chaîne ; il lui fait traîner des carrioles et des voitures, il l'envoie chez le boucher chercher de la viande à laquelle il ne devra pas toucher. Il le réduit même à la condition dérisoire de porter les journaux dans le quartier ; il avait fait du Chien Munito un joueur de dominos, et pour peu il l'aurait réduit à exercer le métier littéraire, à faire de la copie, ce qui, pour un animal né libre sous les cieux, ma paraîtrait le dernier degré de l'abaissement. L'homme oblige le Chien à chasser pour lui, à ses gages et même sans gages ; le Chat préfère chasser pour son propre compte, et à ce sujet on l'appelle voleur, sous prétexte que les lapins et les oiseaux appartiennent à l'homme ; mais c'est ce qu'il faudrait démontrer. On veut lui imputer à crime ce qui fit la gloire de Nemrod et d'Hippolyte, et c'est ainsi que nous avons toujours deux poids inégaux, et deux mesures.



Le Corbeau


(Poe/Baudelaire)

        

Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. « C’est quelque visiteur, – murmurai-je, – qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela et rien de plus. »

        

Ah ! distinctement je me souviens que c’était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son tour le plancher du reflet de son agonie. Ardemment je désirais le matin ; en vain m’étais-je efforcé de tirer de mes livres un sursis à ma tristesse, ma tristesse pour ma Lénore perdue, pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore, – et qu’ici on ne nommera jamais plus.

        

Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés me pénétrait, me remplissait de terreurs fantastiques, inconnues pour moi jusqu’à ce jour ; si bien qu’enfin pour apaiser le battement de mon cœur, je me dressai, répétant : « C’est quelque visiteur attardé sollicitant l’entrée à la porte de ma chambre ; – c’est cela même, et rien de plus. »

        

Mon âme en ce moment se sentit plus forte. N’hésitant donc pas plus longtemps : « Monsieur, dis-je, ou madame, en vérité, j’implore votre pardon ; mais le fait est que je sommeillais et vous êtes venu frapper si doucement, si faiblement vous êtes venu frapper à la porte de ma chambre, qu’à peine étais-je certain de vous avoir entendu. » Et alors j’ouvris la porte toute grande ; – les ténèbres, et rien de plus.
        
Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d’étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves qu’aucun mortel n’a jamais osé rêver ; mais le silence ne fut pas troublé, et l’immobilité ne donna aucun signe, et le seul mot proféré fut un nom chuchoté : « Lénore ! » – C’était moi qui le chuchotais, et un écho à son tour murmura ce mot : « Lénore ! » Purement cela, et rien de plus.
        
Rentrant dans ma chambre, et sentant en moi toute mon âme incendiée, j’entendis bientôt un coup un peu plus fort que le premier. « Sûrement, – dis-je, – sûrement, il y a quelque chose aux jalousies de ma fenêtre ; voyons donc ce que c’est, et explorons ce mystère. Laissons mon cœur se calmer un instant, et explorons ce mystère ; – c’est le vent, et rien de plus. »
        
Je poussai alors le volet, et, avec un tumultueux battement d’ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta pas, il n’hésita pas une minute ; mais avec la mine d’un lord ou d’une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre ; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre ; – il se percha, s’installa, et rien de plus.
        
Alors, cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : « Bien que ta tête, – lui dis-je, – soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la nuit plutonienne ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »
        
Je fus émerveillé que ce disgracieux volatile entendît si facilement la parole, bien que sa réponse n’eût pas un bien grand sens et ne me fût pas d’un grand secours ; car nous devons convenir que jamais il ne fut donné à un homme vivant de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté au-dessus de la porte de sa chambre, se nommant d’un nom tel que – Jamais plus !
        
Mais le corbeau, perché solitairement sur le buste placide, ne proféra que ce mot unique, comme si dans ce mot unique il répandait toute son âme. Il ne prononça rien de plus ; il ne remua pas une plume, – jusqu’à ce que je me prisse à murmurer faiblement : « D’autres amis se sont déjà envolés loin de moi ; vers le matin, lui aussi, il me quittera comme mes anciennes espérances déjà envolées. » L’oiseau dit alors : « Jamais plus ! »

        
Tressaillant au bruit de cette réponse jetée avec tant d’à-propos : Sans doute, – dis-je, – ce qu’il prononce est tout son bagage de savoir, qu’il a pris chez quelque maître infortuné que le Malheur impitoyable a poursuivi ardemment, sans répit, jusqu’à ce que ses chansons n’eussent plus qu’un seul refrain, jusqu’à ce que le De profundis de son Espérance eût pris ce mélancolique refrain : « Jamais – jamais plus ! »

        
Mais le corbeau induisant encore toute ma triste âme à sourire, je roulai tout de suite un siège à coussins en face de l’oiseau et du buste et de la porte ; alors, m’enfonçant dans le velours, je m’appliquai à enchaîner les idées aux idées, cherchant ce que cet augural oiseau des anciens jours, ce que ce triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des anciens jours voulait faire entendre en croassant son – Jamais plus !

        
Je me tenais ainsi, rêvant, conjecturant, mais n’adressant plus une syllabe à l’oiseau, dont les yeux ardents me brûlaient maintenant jusqu’au fond du cœur : je cherchai à deviner cela, et plus encore, ma tête reposant à l’aise sur le velours du coussin que caressait la lumière de la lampe, ce velours violet caressé par la lumière de la lampe que sa tête, à Elle, ne pressera plus, – ah ! jamais plus !

        
Alors, il me sembla que l’air s’épaississait, parfumé par un encensoir invisible que balançaient les séraphins dont les pas frôlaient le tapis de ma chambre. « Infortuné ! – m’écriai-je, – ton Dieu t’a donné par ses anges, il t’a envoyé du répit, du répit et du népenthès dans tes ressouvenirs de Lénore ! Bois, oh ! bois ce bon népenthès, et oublie cette Lénore perdue ! » Le corbeau dit : «Jamais plus ! »

        
« Prophète ! – dis-je, – être de malheur ! oiseau ou démon ! mais toujours prophète ! que tu sois un envoyé du Tentateur, ou que la tempête t’ait simplement échoué, naufragé, mais encore intrépide, sur cette terre déserte, ensorcelée, dans ce logis par l’Horreur hanté, – dis-moi sincèrement, je t’en supplie, existe-t-il, existe-t-il ici un baume de Judée ? Dis, dis, je t’en supplie ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

        
« Prophète ! – dis-je, – être de malheur ! oiseau ou démon ! toujours prophète ! par ce ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore, embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore. » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

        
« Que cette parole soit le signal de notre séparation, oiseau ou démon ! – hurlai-je en me redressant. – Rentre dans la tempête, retourne au rivage de la nuit plutonienne ; ne laisse pas ici une seule plume noire comme souvenir du mensonge que ton âme a proféré ; laisse ma solitude inviolée ; quitte ce buste au-dessus de ma porte ; arrache ton bec de mon cœur et précipite ton spectre loin de ma porte ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

        
Et le corbeau, immuable, est toujours installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve ; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre sur le plancher ; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s’élever, – jamais plus !



Exemple code unix


Si vous avez besoin d'include des caratères que l'on trouve dans le code
txt2tags, vous pouvez protéger leur exécution en les entourant de double quote ("")


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